Modede vie des artistes en marge de la société Solution est: B O H E M E « Précédent Tout Grille 4 Solution Suivant » Sur CodyCross CodyCross est un célèbre jeu nouvellement publié développé par Fanatee. Il a beaucoup de mots croisés divisés en différents mondes et groupes. Chaque monde a plus de 20 groupes avec 5 grille chacun.
Depuis toujours l'artiste dispose d'un statut particulier. Pas de privilège mais une existence sociale lui conférant une place à part...L'Art est le fruit d'une inspiration et d'un savoir-faire, produit d'une source impalpable, immatérielle et qui se veut indépendante. Cette individualité tire son existence d'une prédisposition créatrice naturelle échappant à tout contrôle institutionnel. L'artiste est un individu qui, par définition, peut se passer de la société pour maîtriser son sujet. Il impose aux yeux du public sa force créatrice et l'image qu'il veut transmettre et même si son oeuvre trouve son inspiration dans l'environnement dans lequel elle est pensée et conçue, elle n'en demeure pas moins le fruit d'un concept individuel, voire égoïste lorsqu'elle provoque. Cette volonté farouche qu'ont les artistes à ne vouloir exister que par eux-mêmes est en opposition avec ce que la société tente d'imposer aux dépendance au système facilite la gestion des imposant un rythme et un cap à tous les individus, les pouvoirs politiques prennent en main les destinées, s'arrogeant ainsi les prérogatives qui servent surtout leurs intérêts. Le peuple n'est prétendument important qu'en période électorale. Les promesses ne sont jamais de l'aspect matériel qui, en règle générale, n'est pas sa priorité, l'artiste se trouve totalement détaché physiquement et parfois même psychologiquement de la force créatrice devient un moteur, échappant à tous contrôles institutionnels et la popularité en est l'apothéose. Ce besoin vital de liberté est profondément inscrit dans les gènes de l'artiste pour ce dernier, seule l'oeuvre a de l'importance. Nous connaissons les destins particuliers et souvent violents de nombreux créateurs passés à la postérité. A cet égard,jamais la société ne les a épargnés de leur vivant, les portant aux nues quelques années après leur mort. Ces destins souvent cruels mettent en exergue l'ambiguïté de l'existence intermittents du spectacle sont probablement le reflet de notre époque et de ce qui se fait de pire en matière de dépendance castratrice. Victimes du nombre... manque d'autonomie existentielle... recherche d'une sécurité matérielle en contradiction avec la véritable âme artistique... Non, certainement pas. De tous temps, l'art a fait des victimes. La société est impitoyable envers ceux qui ne rentrent pas dans le rang. L'artiste a l'obligation de réussir par lui-même si il veut survivre en préservant la pureté de sa force magnifique "mission" que de provoquer l'émotion. La société ne peut se passer des artistes ; ces gens bizarres qui font pousser des fleurs sur le béton et habillent de couleurs vives la tristesse de notre quotidien. © TOUS DROITS RÉSERVÉS
Refuserde vivre en société c'est refuser toute relation suivie avec ses semblables, c'est refuser la division du travail et les échanges. Robinson sur son île perd progressivement son humanité jusqu'à l'arrivée de Vendredi: la vie en société reprend et le sauve. Voir: M. Tournier; Vendredi ou les limbes (on oublie tout ce qu'on est
Mis à jour le 19 avril 2022 à 11h47 20 Voir la galerie © Abaca / Instagram / bestimage / Getty Dès le 16 avril dernier avait lieu le premier round des festivités de Coachella, ce légendaire festival de musique qui rassemble tous les gens influents de la planète. L'occasion pour les peoples et les modeuses de rivaliser d'imagination pour avoir le meilleur style. Retour sur les plus beaux looks de Coachella dont on s'inspire déjà ! C'est devenu un style vestimentaire à part entière le look Coachella. Cardigan en crochet, veste à franges, chapeaux de cow-boy, santiags... Après trois ans d'absence à cause du Covid, le célèbre Festival de Coachella est enfin de retour pour le plus grand plaisir des mannequins, influenceurs et artistes qui se produisent sur la scène du célèbre désert en marge de Los Angeles. Et pour ce come-back si attendu, le festival pourtant décrié pour les liens étroits qu'entretient son propriétaire Phil Anschutz avec des associations LGBTphobes et anti-IVG a mis les petits plats dans les grands avec une programmation renversante. Harry Styles accompagné de Shania Twain, The Weeknd, Willow Smith, Doja Cat... Une pluie de stars sur scène mais également sur la pelouse d'Indio. En effet, les peoples du monde entier se sont donnés rendez-vous pour montrer leur plus beaux looks. Mais si le fameux style "Coachella" était au top au début des années 2010, on ne peut s'empêcher de constater que le manque d'originalité est flagrant pour cette édition revival. Ce vestiaire semble dépassé, voire ringard, et tout le monde s'en est rendu compte mais personne n'a trouvé vraiment d'alternative... A part nos ambassadrices françaises. Cocorico, on a pu compter sur Lena Mahfouf et Iris Mittenaere pour relever le niveau côté fashion. En effet, la première a misé sur une tenue entièrement upcyclée Chanel quand la seconde a opté pour plusieurs tenues dont la fameuse robe en métal Paco Rabanne. La french touch, même à des milliers de kilomètres.
Selonla définition qu'en donne Le Petit Larousse, il s'agit de «quelqu'un qui vit en marge de la société organisée, faute de pouvoir s'y intégrer ou par refus de se soumettre à ses normes». Si on accepte ce principe, bien des individus dérogent aux normes établies: ceux qui n'ont pas Internet, pas de téléphone cellulaire ou pas de
Publié le 13/07/2022 à 1552 Femmes accusées d'avoir collaboré avec les nazis, Rennes, France, 1944. Avec l'aimable autorisation de Lee Miller Archives. Lee Miller Cet été, les Rencontres photographiques d'Arles font un focus sur les femmes photographes. Parmi elles, l'Américaine Lee Miller 1907-1977 trop longtemps enfermée dans son rôle de muse, dévoilée à travers l'exposition Lee Miller - Photographe professionnelle». J'aime mieux prendre une photo qu'en être une !» La formule est de Lee Miller. Elle résume sa vie qui est un roman d'aventures et fera, en 2023, le sujet d'un biopic réalisé par l'Américaine Ellen Kuras avec au casting Marion Cotillard et Jude Law et, dans le rôle de Lee Miller, l'énigmatique Kate Winslet. Voilà qui va achever de réhabiliter la carrière de la photographe qui a longtemps été réduite au cliché de muse surréaliste, cheveux courts à la garçonne, long coup de cygne et corps de liane… Antony Penrose, le fils qu'elle a eu avec le peintre Roland Penrose, s'était fait rétorquer par le Moma de New York, alors qu'il voulait réhabiliter le travail de sa mère, qu'elle était seulement une note de bas de page dans la vie de Man Ray».À découvrirSuri Cruise la petite fille gâtée d'Hollywood, ou l'histoire d'une enfant diabolisée par les médiasÀ lire aussiChristoph Wiesner, directeur des Rencontres d'Arles, dévoile une programmation en hommage aux femmes artistesGaëlle Morel, commissaire de l'exposition Lee Miller, photographe professionnelle 1932-1945»* qui se déploie dans l'espace Van Gogh, à Arles, prend le contre-pied de cette remarque machiste et erronée, en se focalisant sur les années où elle n'était plus avec son mentor, montrant son travail pour Vogue, le studio qu'elle a dirigé à New York et surtout ses photos de guerre dans les camps de concentration. Car si Lee Miller fut le mannequin révélé par Condé Nast, à New York, puis le modèle des photos solarisées de Man Ray, à Paris, elle change de cap en chapeaux Pidoux avec marque de recadrage originale de Vogue Studio, Londres, Angleterre, 1939. Avec l'aimable autorisation de Lee Miller Archives. Lee MillerCorrespondante de guerreRetour à New York où elle devient photographe, ayant son propre studio géré avec son frère Erik, tirant le portrait des acteurs de la bonne société et des artistes en vogue. C'est ainsi que commence l'exposition… Sauf que l'itinéraire de Lee est fait de ruptures, de foucades, d'engagements aussi. Les salons mondains, les toilettes chics ne l'intéressent plus. On est à l'aube de 1944. Lee Miller devient une des cinq correspondantes de guerre et couvre le conflit pour Vogue , signant un premier reportage de 14 vous supplie de croire que tout ceci est vraiLee MillerAprès la Libération de Paris, elle suit l'avancée de troupes américaines en Allemagne, escortée de son complice, David E. Scherman, reporter du magazine Life. En avril 1945, elle découvre le camp de concentration de Dachau. Lee Miller photographie, documente ces scènes d'apocalypse, cadavres entassés devant les fours crématoires, survivants comme des squelettes en pyjamas rayés, accumulation d'ossements… Ses photos de camps de concentration présentées en regard de son activité de studio et de commande créent la stupeur, la sidération chez le visiteur. Le télégramme qu'elle envoie à Vogue, en marge de ses photographies, sera publié tel quel Je vous supplie de croire que tout ceci est vrai».Lee Miller, Photographe professionnelle 1932-1945», jusqu'au 25 septembre espace Van Gogh, Arles. À lire aussi Lola Lafon Si Anne Frank avait survécu, elle aurait raconté les camps, et je ne suis pas sûre qu'elle aurait eu le même succès...»Avec Quand tu écouteras cette chanson, la romancière s'est approchée au plus près d'Anne Frank, qui rêvait de devenir écrivaine. Un regard neuf sur l'adolescente et un livre puissant où Lola Lafon dénoue aussi les fils de son histoire. Monica Sabolo J'avais besoin qu'un homme s'asseye en face de moi et reconnaisse la souffrance qu'il a causée»Dans son livre La Vie clandestine, l'auteure croise les flous de sa mémoire personnelle et collective à la clandestinité des membres d'Action Directe, à la vie de son beau-père, Yves S., et au secret de l'inceste qu'il lui a fait subir de longues années. Les variations dans l'espace-temps d'Arash HanaeiPremier lauréat du programme BMW Art Makers, l'artiste Arash Hanaei repense l'architecture avec son exposition Hantologie suburbaine, présentée lors des Rencontres d'Arles.
1h10baigné de lumière à creuser les sillons de sa vie dans la sciure de nos émotions, quelque part entre humour, labeur et splendeur. L’Utopie des arbres touche le public en plein coeur par le talent de son auteur-comédien. A la fois poète, philosophe et « Grincheux », le tourneur sur bois, joué par Alexis, emmène le public dans ses étonnements, ses
Voici la réponse à la question de CodyCross - Aussi appelée étoile filante. Si vous avez besoin d'aide ou avez des questions, laissez votre commentaire ci-dessous. Home Saisons Groupe 76 Phase 4 Répondre Mode de vie des artistes en marge de la société Mode de vie des artistes en marge de la société Répondre Bohème CodyCross CodyCross est un jeu récemment sorti développé par Fanatee. C’est un jeu de mots croisés qui contient de nombreux mots amusants, séparés en différents mondes et groupes. Chaque monde a plus de 20 groupes avec 5 puzzles chacun. Certains des mondes sont la planète Terre, sous la mer, les inventions, les saisons, le cirque, les transports et les arts culinaires.
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1Ce chapitre se propose d’éclairer le rôle de l’art et des artistes dans les sociétés française, espagnole et anglaise du xviie siècle. Le xviie siècle voit dans les pays considérés l’affirmation de l’écrivain et de l’artiste qui doivent leur place sociale nouvelle aux fonctions que leurs œuvres remplissent, au service des pouvoirs spirituels et temporels. Lettres et arts partagent au xviie siècle un même souci de la rhétorique, c’est-à-dire du maniement des moyens de faire voir et comprendre à autrui, pour la plus grande gloire du souverain, de la religion, ou la délectation d’un collectionneur. L’existence de modèles et de règles, la plupart issus de l’Antiquité et sans cesse retravaillés, éloigne également l’artiste du xviie siècle de notre idéal romantique du créateur original, voire incompris. 2Aussi convient-il dans un premier temps de tracer un portrait d’ensemble de la condition des artistes qui restitue leur place particulière dans la société. Il s’agit d’un monde hiérarchisé, notamment en France au sein des structures académiques, bien que ces dernières n’exercent jamais qu’un contrôle imparfait sur l’activité artistique. Dans un deuxième temps, on s’attachera à comprendre comment le développement des collections et du marché de l’art modifie les anciens liens de dépendance par rapport à la commande publique et privée. On assiste au xviie siècle à une transformation de la valeur du produit artistique, parallèle à l’émergence de l’individu social artiste ». Une troisième partie se propose, à la lumière des conditions de production de l’œuvre esquissée jusqu’ici, de s’interroger sur la représentation de la société dans les arts. Quelques exemples permettront de rappeler l’intérêt mais aussi les problèmes posés par les documents littéraires et artistiques en histoire sociale. Identité de l’art et des artistes Émergence des notions d’art et de littérature. Promotion sociale de l’artiste 3On voit indéniablement se préciser les statuts de l’artiste et de l’écrivain au xviie siècle, avec une chronologie et des incidences différentes d’un pays à l’autre. Ce mouvement prend naissance dans la Renaissance italienne, deux siècles plus tôt, à travers une institution bientôt officialisée et protégée par les princes, l’académie. La première réunion d’humanistes voulant faire revivre les réunions de Platon et de ses disciples dans les jardins d’Akadémos est celle initiée par Marsile Ficin et Pic de la Mirandole à Florence sous le règne de Laurent le Magnifique. Le mouvement académique va prendre une grande ampleur en Italie au xvie siècle on y compte pas moins de 500 académies vers 1530. Elles se spécialisent et acquièrent un statut officiel avec devises, réunions régulières, voire enseignement. D’abord nettement philosophiques et littéraires, en opposition à l’enseignement universitaire, des académies de peinture et de sculpture voient le jour, en opposition aux contraintes des corporations, avec le soutien des princes. Côme de Médicis préside l’Academia fiorentina créée en 1540 et l’Accademia del disegno créée en 1563. Par un décret de 1571, il libère les artistes de son Académie des obligations corporatives. De la même manière, à Rome, la création de l’Académie de Saint-Luc, protégée par le cardinal Borromée, est le signe et le moyen d’une promotion des peintres, puisque, par une abondante production théorique, elle s’efforce de creuser la distance entre le travail manuel de l’artisan et le travail conceptuel de l’artiste la peinture est d’abord cosa mentale » une production de l’esprit. Comme le poète, l’architecte, le peintre ou le sculpteur affirment que leur art est libéral » et non mécanique ». Voir le plaidoyer prononcé en 1667 par Nicolas Lamoignon pour le recteur de l’Académie, Gérard Von Opstal qui réclamait le paiement d’ouvrages pour lesquels, selon le règlement des métiers, il y avait prescription N’a-t-on pas sujet à dire que les peintres sont inspirés par quelque divinité aussi bien que les poètes ? Et que pour donner la vie à des choses inanimées, il faut être en quelque sorte au-dessus de l’homme ? » La promotion des uns induit une dévalorisation des métiers demeurés au sein des corporations et des querelles infinies entre anciennes et nouvelles institutions. Les académies, qui contrôlent les artistes, leur assurent en échange liberté et supériorité par rapport aux autres artisans. Christian Jouhaud a montré que les auteurs trouvent paradoxalement une autonomie croissante à l’intérieur d’une dépendance de plus en plus forte par rapport au pouvoir 1 Dotoli G., Littérature populaire et groupe dominant. Évasion et contre-évasion chez Adam Billaut ... 2 La Roque de la Lontière G. A., Traité de la noblesse, Paris, E. Michalet, 1678, p. 413, cité ibide ... 4Les artistes en viennent donc à occuper ou à ambitionner une place sociale particulière en raison du lien qu’ils entretiennent avec le pouvoir, même si, comme nous le verrons, tous n’appartiennent pas à une structure officielle de type académique et même si les artistes de cour constituent une minorité enviée. Hommes de lettres et praticiens des arts libéraux sont animés, certes à des degrés divers, d’une volonté de distinction sociale. Si la pratique d’un art anoblit, elle pose le problème de la distribution sociale des talents. Un homme du peuple peut-il être poète ? Une origine ignoble ne s’oppose-t-elle pas à la pratique d’un art ? La carrière d’Adam Billaut, poète menuisier, analysée par Giovanni Dotoli permet au moins de poser la question. Une des plus rares choses du siècle », selon l’abbé de Marolles qui l’a découvert, ce fils de paysans pauvres, menuisier à Nevers, a formé sa muse au catéchisme paroissial, à la lecture des livres de colporteurs et des almanachs populaires. En 1636 il rencontre à Nevers l’abbé de Marolles, ancien précepteur et bibliothécaire de la duchesse Marie de Gonzague. Cette rencontre est décisive en 1638 il est à Paris, il obtient une pension de Richelieu et du chancelier Séguier, qui ne sera cependant jamais versée. Il se met à l’école des libertins et connaît un succès éphémère dans la capitale. Dès son deuxième séjour à Paris 1640, il est en butte aux sarcasmes de ses collègues. Scudéry, dans l’Approbation du Parnasse qui précède son premier recueil, les Chevilles 1644, s’interroge ainsi Quel Dieu t’a rendu son oracle ?/[…] Dois-tu passer dans l’univers/Pour un monstre ou pour un miracle/O prodige entre les esprits/Qui sait tout et n’a rien appris1. » Bien vite, on va trancher pour le monstre plutôt que pour le prodige. Au moment de la naissance de l’artiste par la valorisation de l’étude et du savoir, on répugne à admettre dans la société des poètes un artisan, que la pratique et l’appétit du gain nécessaire à sa subsistance rend comme esclave, et ne lui inspirent que des sentiments de bassesse et de subjection incompatible avec ceux d’un gentilhomme2 ». L’approbation du Parnasse n’a guère duré ; l’échec de Billaut témoigne du souci de distinction sociale des littérateurs parisiens et de leurs protecteurs. Le poète menuisier menace les efforts de promotion des arts, inséparables d’une dévalorisation des métiers. G. Dotoli estime que l’œuvre de Billaut confirme que l’opposition entre culture populaire et culture savante est absolument insoutenable ». Au contraire, on pourrait utiliser l’échec du poète menuisier pour montrer une séparation croissante dans la France du xviie siècle entre culture populaire et culture des élites, culture de référence à partir de la formation humaniste, […] culture éloignée de tout ce qui est concret, du monde des métiers, de tout ce qui est désormais jugé vulgaire, sale ou ridicule » Rioux et Sirinelli. 5On voit ainsi se dessiner une conscience sociale, même si les artistes entretiennent des liens familiaux forts avec le monde des métiers urbains. Le père de Puget est maçon, celui de Girardon fondeur ; Shakespeare est le fils d’un boucher de Stratford-sur-Avon. On trouve, dans les alliances familiales de Charles Le Brun, beaucoup de peintres et de sculpteurs, mais aussi des écrivains, des tapissiers, des charpentiers et des fondeurs. Le peintre et architecte Inigo Jones, qui domine l’art anglais dans la première moitié du xviie siècle, est fils de tailleur et reçoit une formation de peintre, costumier et décorateur de théâtre. La solidarité est renforcée par des mariages, qui permettent les collaborations entre beaux-pères et gendres et entre beaux-frères ; les fratries sont nombreuses Vouet, Boullogne, Anguier…. Une relative mobilité permet en France à des fils d’artistes d’embrasser la carrière juridique et des artistes peuvent descendre de petits officiers les Le Nain. Une volonté de distinction s’observe dans les généalogies romancées que se forgent des familles d’artistes à succès, comme les Mansart, qui prétendent descendre d’un mythique chevalier romain, chargé par Hugues Capet d’édifier des monastères. Il se lit aussi dans la réalisation d’autoportraits, individuels ou familiaux, dans lesquels les artistes se représentent en costumes soignés, avec des attributs du savoir livres, de la sociabilité élégante ou des arts libéraux musique, mathématique. 6Il faut souligner que la promotion des artistes reste un phénomène très limité en Espagne, où leur position sociale est peu enviable malgré la réflexion sur la noblesse des arts et les procédures engagées par exemple pour faire reconnaître à la peinture le statut d’art libéral, procédures encouragées par des hommes de lettres comme Calderon J. Gallego. La plupart des peintres vivent dans une grande pauvreté et une part importante de leurs revenus provient de la dorure et de la mise en couleur des sculptures religieuses, le plus souvent polychromes. Ils ne s’émancipent que difficilement. De cette situation témoigne par exemple Le Vendeur de tableaux de José Antolinez v. 1670, Munich, Alte Pinakothek où l’on voit un homme en guenille, le marchand tratante, visiter l’atelier du peintre, où règne le plus grand dénuement et lui acheter une copie d’une Vierge à l’Enfant de Scipion Pulzone. 7Les plus ambitieux des artistes espagnols cherchent donc à Madrid une meilleure reconnaissance. De même, l’installation à Paris témoigne d’une volonté d’ascension vers le statut d’artiste. David Maland a calculé, sur un échantillon de 200 auteurs pour chaque siècle, que 70 % des littérateurs français meurent en province au xvie siècle, contre 48 % seulement au xviie siècle. La mobilité caractérise dans une large mesure les artistes, qui se déplacent pour suivre la commande, dans les arts plastiques, ou le public, dans les arts de la scène. Quelques centres, caractérisés par la présence de la cour, se renforcent Rome, Paris, et, dans une moindre mesure, Madrid. Si les artistes constituent un milieu solidaire, il n’est pas pour autant fermé ; les étrangers, surtout les Italiens et les Flamands, dominent la scène picturale anglaise, et, pour une bonne partie du siècle, espagnole. La piètre considération portée aux peintres nationaux est cause, selon le peintre et historien de l’art Jusepe Martínez, de l’exil définitif d’Antonio Ribera à Naples. Nationaux et étrangers contractent ensemble des mariages. Chez les peintres, les sculpteurs et les architectes, le voyage, en particulier le voyage d’Italie, est un élément essentiel de formation. En Angleterre, la rupture décisive avec l’art de la fin du Moyen Âge est le résultat du voyage d’Inigo Jones en Italie, en 1615, où il accompagnait le comte d’Arundel. Cinquante ans plus tard, Christopher Wren visite les Provinces Unies, les Pays-Bas et la France. En France, on date traditionnellement du retour de Rome de Simon Vouet, en 1627, la naissance de l’école française. Les peintres espagnols voyagent peu en Italie, en revanche, les Français se retrouvent en nombre à Rome, où ils font quelquefois carrière pendant plusieurs années, voire s’y installent définitivement Nicolas Poussin, Claude Lorrain. Vers 1600-1620, le mode de vie des peintres qui se retrouvent autour de la Piazza del Popolo, à Rome, préfigure déjà celui des sociétés d’artistes telles qu’on les connaîtra jusqu’au Montparnasse des années 1920, avec son recrutement international, ses lieux d’échanges les ateliers, les tavernes, sa liberté de recherche artistique et de mœurs. De la même manière on voit se développer la sociabilité littéraire autour des cabarets, certains investis par un groupe particulier, comme les libertins qui, à Paris, se retrouvent À la Pomme du Pin, Au Cormier ou encore À la Fosseaux-Lions. Organisation des artistes et différences des carrières 8Le xviie siècle est un moment de théorisation et de hiérarchisation des arts et des artistes. La notion fondamentale est celle de genre. Le genre est en art et en littérature une série homogène d’œuvres répondant à des attentes déterminées et tendant à se fixer par la reproduction de modèles éprouvés. Bérénice de Racine ou la Princesse de Clèves de Mme de Lafayette ont été critiqués parce qu’ils mélangeaient les genres. Une hiérarchie très forte met au premier rang, en vers, l’épopée et la tragédie, en prose, l’éloquence. Le roman est au bas de l’échelle et ses praticiens cherchent à l’anoblir en lui conférant des règles. En peinture, se met en place progressivement une définition et une hiérarchisation des genres, la peinture la plus noble et la plus prestigieuse étant la peinture d’histoire sacrée ou profane. Ces réflexions se développent au sein des académies. 9Le système des Académies en France cherche à mettre l’action des artistes au service de l’État. En créant un discours cohérent sur la langue et le goût, les académies contribuent à créer une culture commune aux élites et un consensus autour du pouvoir royal, que tous les arts sont chargés de célébrer. Unissant les artistes dans des institutions contrôlées par l’État, les Académies engendrent une véritable révolution dans la centralisation et la hiérarchisation des arts. 10L’Académie française reste le modèle de toutes les académies. Créée en 1634 par un groupe de lettrés, officialisée par Richelieu, son rôle est d’institutionnaliser la langue commune de la nation. Il s’agit de mettre en place un lissage de la langue, de donner un langage commun. Chaque discours s’achève par l’apologie du monarque. À l’image de l’Académie française, l’Académie royale de peinture et sculpture est créée en 1648. Le principe de sa fondation en est un peu différent, Charles Le Brun et d’autres artistes conçoivent une Académie placée sous la protection du chancelier Séguier pour que les peintres puissent s’affranchir de la tutelle de la maîtrise qui succède aux corporations médiévales. Elle fonde son enseignement sur le dessin et le modèle vivant, à l’image de l’académie que les Carrache avaient fondé, à la fin du xvie siècle, à Bologne. L’institution rompt avec les pratiques corporatistes, par l’utilisation du dessin et l’approche directe de la nature, et donne un statut libéral à la peinture qui n’est pas seulement affaire d’imitation. En 1663, Louis XIV restructure l’institution en la hiérarchisant. Son rôle doctrinal est affirmé. Il nomme Le Brun chancelier permanent. En 1668, l’artiste cumule les fonctions de chancelier et de recteur, enfin, en 1683, il est nommé directeur. On assiste à la mise en place d’expositions prévues normalement tous les deux ans et accompagné d’un livret, ancêtre des catalogues. Mais il n’y en aura que dix sous Louis XIV. 11Un rôle de coordinateur » est assuré par la Petite Académie fondée en 1663. Elle comprend cinq membres représentant des cinq arts. Elle administre l’ensemble de la production intellectuelle et tient lieu de direction générale de la vie culturelle. Elle est dirigée par un conseil restreint dès sa création les hommes de lettres Bourzeis, Cassagne, Chapelain et Perrault. C’est l’œil du pouvoir sur la production intellectuelle française. Ce rôle de coordination limite la liberté et l’originalité dans la création. La petite Académie contrôle tout, elle chapeaute l’ensemble des institutions. La souplesse de sa structure s’oppose à la rigidité hiérarchique des autres Académies. Celles-ci, d’ailleurs, ne sont pas seulement des Académies artistiques à l’image de l’Académie d’escrime. La petite Académie n’a pas de règlement avant juillet 1701, après cette date, elle devient officiellement l’Académie des inscriptions et des médailles. 12À partir de 1661, on assiste à une institutionnalisation de tous les arts sous Louis XIV les maîtres à danser, puis les musiciens et les danseurs se fédèrent en Académies, toujours dans le but de lutter contre la maîtrise, accusée de décadence des arts. En 1666 est fondée l’Académie de France à Rome qui accueille les meilleurs jeunes artistes français afin de compléter leur formation. La même année voit la création de l’académie des sciences. En 1669, c’est la fondation de l’Académie royale de musique puis, en 1671, celle d’architecture qui scelle la séparation entre les architectes et les maçons. Il y a même eu une tentative de création d’une académie de théologie, mais celle-ci est rapidement dissoute en raison des inquiétudes formulées par la Sorbonne qui craint de perdre ses privilèges. Il en va de même pour le théâtre. Après la mort de Molière, on ne crée pas explicitement une académie de théâtre, mais il y a bien un monopole de fait car un seul type de spectacle doit recevoir le label du Roi, comme pour l’opéra. La volonté de diffusion des grandes œuvres du répertoire aboutie, en 1680, à la fondation la Comédie française. 13Le monopole des Académies sur les différents arts traduit le corps du Roi en peinture, en sculpture et en poésie » Apostolidès. Avec ces institutions, c’est l’ensemble des arts qui se met au service de la gloire monarchique. À partir de 1660, on assiste à une multiplication des Académies en province qui vont répandre la mode en vigueur à la cour. L’exemple de celle de Lyon, fondée en 1667, va servir de modèle pour d’autres villes. 14L’Angleterre a été tentée par ce modèle, mais l’instabilité politique qui y règne ne s’y prête pas. Les artistes se rassemblent dans des clubs ou des sociétés. Une tentative d’organisation des arts se met en place sous Charles II dans la deuxième moitié du xviie siècle. Ambitionnant de rivaliser avec Louis XIV, il reprend le modèle français de l’Académie et place à sa tête le peintre italien Antonio Verrio v. 1636-1707. Mais, l’absence d’une autorité centrale organisée pour contrôler le travail comme c’est le cas en France avec Colbert et la nature sporadique des mécènes anglais ont rendu cette volonté difficile, voire impossible. 15En Espagne, la création des académies de Madrid et de Valence est un échec. Leur volonté de contrôler l’activité des peintres en favorisant un monopole de la production et du marché de la peinture se heurte à une opposition très forte des corporations. Il se développe alors un débat original sur la peinture en tant qu’art libéral. Le colegio » Académie de Valence tend en effet à favoriser le népotisme en fixant le prix des examens, empêchant ainsi à tout un groupe de la population de réaliser et de vendre leurs œuvres. L’institution crée également d’énormes difficultés aux artistes étrangers voulant s’installer dans la ville et interdit purement et simplement la vente de peintures étrangères qui étaient moins chères que celles fabriquées à Valence. Tout cela va aboutir à un nombre important de plaintes arguant du statut d’art libéral de la peinture. Les plaignants inférant que si la peinture est effectivement un art libéral, elle doit suivre le modèle des autres arts libéraux. Dans une ville comme Valence, on devrait trouver des peintures de différentes qualités et à des prix différents ; en fait, un accès à la peinture pour tous. Finalement, en 1617, Philippe II se range du côté de la ville contre l’Académie. L’Académie de Madrid, créée en 1603, attend toujours la protection royale en 1619. L’échec est moins clair qu’à Valence, mais là encore, il semble que l’opposition soit venue de peintres individuels, certainement ceux qui s’opposaient à l’examen pour obtenir la licence. 16En France même, où l’hégémonie du pouvoir royal est quasi complète, l’institutionnalisation des arts ne s’est pourtant pas faite sans heurts. La réaction au mouvement académique va trouver un soutien auprès d’autres corps qui, à ce moment, perdent aussi de leurs privilèges, les Parlements. Ainsi le Parlement de Paris va-t-il soutenir les corporations pour tenter d’enrayer l’effritement de son pouvoir et ce, dès la fondation de l’Académie française. Entre 1648 et 1663, la corporation des maîtres peintres, soutenue par le Parlement, et l’Académie de peinture, soutenue par Colbert et le pouvoir royal, se heurtent à des oppositions constantes. Ils se livrent une véritable guerre d’usure qui voit finalement la déroute de la maîtrise. Enfin, les débats esthétiques continuent comme celui entre le dessin et la couleur qui on lieu à Paris, dans la deuxième moitié du siècle. 17On peut dire que deux carrières s’offre à l’artiste, celle de la cour et celle de la ville, bien que les plus réussies marient les deux. Diego Vélasquez 1599-1660 est l’exemple de l’artiste-courtisan. Il passe plus de trente ans au service de Philippe IV d’Espagne. Le roi l’emploie comme peintre, architecte décorateur, mais aussi fournisseur d’œuvres d’art et courtisan jusqu’à devenir grand maréchal du palais » en 1652. Plus encore que Charles Le Brun auprès de Louis XIV ou qu’Antonio Verrio auprès des rois d’Angleterre, il est le modèle de l’artiste de cour. Il faut distinguer, en Espagne, deux types de peintres rattachés au palais, les peintres du Roi et le peintre de la Chambre. Si les premiers sont de nombre variable entre quatre et six, il n’y a qu’un seul peintre de la Chambre dont l’occupation principale est de portraiturer le monarque et sa famille. C’est le cas de Vélasquez sous le règne de Philippe IV, ce sera Juan Carreno de Miranda au temps de Charles II. 18En dehors des capitales, certains foyers sont très actifs et les artistes y vivent de commandes et de protections régionales, publiques ou privées. À Toulouse se développe ainsi un foyer original et très actif autour notamment de la figure de Nicolas Tournier qui, après un voyage à Rome, synthétise les formes caravagesques et les formes locales. Dans la deuxième moitié du siècle, l’invention des Académies tend en France à lisser les différences régionales. L’exemple du sculpteur, peintre et architecte Pierre Puget, le Michel Ange de la France », semble relativement unique dans l’art français du deuxième xviie siècle. Il réussit à mener une carrière en Italie et en Provence loin de la cour et de l’Académie. Devenu célèbre, Colbert lui commandes de grands marbres Milon de Crotone, achevé 1682. 19La situation dans les arts du spectacle est assez similaire. Le dramaturge du xviie siècle voit s’ouvrir devant lui deux voies. Celle, traditionnelle, de la protection d’un prince ou d’un grand et celle, nouvelle, d’entrepreneur de spectacles. Avec l’ouverture de théâtres publics et l’organisation de tournées, l’activité de l’auteur se commercialise. Il vend sa pièce à une compagnie ou, s’il en est actionnaire, il obtient une participation aux bénéfices. La publication des pièces est un autre facteur de commercialisation du métier d’auteur, bien que le désir d’exclusivité des troupes fasse quelquefois obstacle à l’impression des pièces. Cependant un dramaturge qui réussit est celui qui associe les deux carrières, comme Shakespeare, auteur et acteur d’une troupe qui joue aussi bien pour la cour que la ville ou encore Lope de Vega, protégé du duc d’Albe mais dont les pièces sont aussi jouées dans les théâtres publics corrales. Les tensions entre artistes de la cour et de la ville peuvent être plus aiguës et s’exercer aux dépens de la ville. A Paris, la musique en vient à être gérée entièrement par la Maison du roi, entraînant une situation très précaire pour les musiciens de la ville régis par la confrérie de saint Julien des Ménestriers. Collections et marché de l’art 20Les œuvres d’art répondent à différentes attentes, entre édification, glorification monarchique et délectation. Un trait significatif du xviie siècle européen est le développement des collections, dans lesquelles peintures et sculptures, détachées de toute autre fonction, notamment religieuse, acquièrent réellement le statut d’œuvres d’art. Le développement des collections 21La collection princière existe au xvie siècle, mais elle prend une tout autre ampleur au siècle suivant. Les souverains espagnols, en particulier, héritent ce goût du grand collectionneur que fut Philippe II. Le Prado est le premier palais royal où les peintures sont exposées en permanence, concurrençant la tapisserie pour la décoration murale. La décoration du palais de l’Escorial, dans les années 1580, est conçue pour l’exposition de peintures de prestige. En 1700, le roi d’Espagne possède 5 500 tableaux, dont la moitié acquise par Philippe IV. Les rois de France préfèrent le prestige du bâtisseur à celui du collectionneur A. Schnapper ; cependant, Louis XIV renoue avec le collectionisme somme toute modeste de François Ier ; entre 1660 et 1693, il forme une des premières collections d’Europe pour les médailles et les pierres gravées, les pierres précieuses, les tableaux, les dessins et les gravures. Assez peu intéressé personnellement, il laisse à ses ministres le soin de rassembler les trésors du cabinet du roi. Selon A. Schnapper, les collections ne sont ni nécessaires ni bien efficaces pour assurer la gloire du roi et l’étendre aux nations étrangères ». Charles Ier est bien d’avantage un amateur d’art. Lors de la vente de ses biens par les républicains, ce sont près de 2 000 peintures, tapisseries, statues et dessins qui sont destinés à éponger les dettes du monarque défunt. Au-delà des princes, les grandes collections se rencontrent chez les personnages qui exercent un rôle important, ou parmi ceux qui sont les plus liés à la représentation du pouvoir, les ambassadeurs. La collection s’épanouit dans les lieux de pouvoir. Les ministres et les favoris – en France, Richelieu et Mazarin ; en Angleterre, avant la Révolution, Arundel, Buckingham et Hamilton – sont au premier rang des collectionneurs. Sous Philippe IV, le marquis de Leganés possède 1100 tableaux, le marquis de Carpio, plus de 3 000. 22Progressivement, les collections universelles, du type cabinet de curiosités, cèdent le pas aux collections spécialisées. Le xviie siècle voit à la fois l’apogée et le début du déclin de la Kunst-und Wunderkamern K. Pomian. Apparaissent des collections autonomes de tableaux. Rome a un rôle capital dans le collectionisme, puisque c’est là avec Venise que s’approvisionne toute l’Europe. C’est là aussi où se forme le goût international qui met au premier rang de la valeur la peinture vénitienne et bolonaise du xvie siècle. En Espagne, en Angleterre ou en France, ce sont toujours Titien et les Vénitiens Tintoret, Véronèse d’une part, les Carrache et leurs suiveurs Guido Reni, l’Albane etc. d’autre part qui dominent les collections prestigieuses. 23Il faut noter que bien souvent les lettres et les arts ont des mécènes communs. Souvent une belle collection s’accompagne d’une belle bibliothèque. Le peintre Eustache Le Sueur et le plus célèbre luthiste français de l’époque, Denis Gaultier, ont pour mécène Anne de Chambré, trésorier des guerres de Louis XIII et gentilhomme du prince de Condé. Chambré commande à ces deux artistes un manuscrit de luxe, La Rhétorique des dieux, recueil de pièces de luth de illustré. La collection suscite l’œuvre littéraire. Arts et lettres font partie d’une sociabilité dont le cœur est l’art de la conversation. Les objets de collection sont, selon le mot de Krzysztof Pomian, des sémiophores ». Au Moyen Âge, les collections de reliques, d’objets sacrés ou d' œuvres d’art » sont aux mains de l’Église et du pouvoir temporel. Quand une hiérarchie de richesse se met en place, l’achat de sémiophores, l’achat d’œuvres d’art, la formation de bibliothèques ou de collections est une des opérations qui, transformant l’utilité en signification, permettent à quelqu’un de haut placé dans la hiérarchie de la richesse d’occuper une position correspondante dans celle du goût et du savoir » K. Pomian. Le développement des collections est ainsi inséparable du développement d’un marché. Le développement du marché de l’art le marché de la peinture 24La demande d’images augmente au cours du siècle. On constate un élargissement progressif du public de la peinture, en particulier dans les pays catholiques. L’imagerie dévotionnelle nourrit le mouvement, mais à la marge se diffusent aussi les genres portrait, nature morte, paysage…, en raison des nouveaux usages de la peinture, qui apparaît de plus en plus dans les intérieurs. Plus tardivement, cet appétit d’images est lisible aussi en Angleterre en 1705, 80 % des inventaires de l’Orphan’s Court de Londres révèlent la possession de tableaux, contre 44 % seulement en 1675. Certes, cette présence de la peinture est liée à la richesse mais ces inventaires montrent que les ordinary tradespeople ont autant de tableaux que les professionals et les gentryhouseholders. 25Le métier de marchand de tableaux s’autonomise et se professionnalise peu à peu. Les formes les plus structurées de marché de l’art se rencontrent à Anvers, qui nourrit toute l’Europe de ses peintures, de tous les genres et de tous les prix. Il faut noter le fort goût pour la peinture flamande, parallèle au goût dominant vénéto-bolonais. Anvers vend pour tous les publics et à tous les prix. Mais d’autres lieux prennent de l’importance, où l’on retrouve souvent les marchands du Nord. À Paris, la foire Saint-Germain, une des trois plus importantes de Paris, se spécialise au début du xviie siècle en marché des objets de luxe soie, bijoux, or mais aussi tableaux. Depuis la deuxième moitié du xvie siècle, les marchands d’Anvers ont le monopole du marché parisien de la peinture. Ils viennent à Paris chaque année pour la foire. Vers 1620-1630, ils font face aux efforts protectionnistes de la maîtrise des peintres de Paris, qui les obligent à tenir boutique de façon permanente en France, voire de demander la naturalisation, pour continuer leur commerce. Les Français réussissent ainsi à endiguer l’influence des marchands d’Anvers. Mais une autre compétition pour le contrôle du marché se déroule alors entre les artistes-marchands et les marchands merciers qui finiront par l’emporter à la fin du siècle on connaît par Watteau la boutique du célèbre Gersaint. 26Diverses formes de transaction existent mais les ventes publiques aux enchères prennent progressivement de l’importance, notamment en Angleterre ; elles permettent en effet aux comportements agonistiques de se donner libre cours dans un face à face pendant lequel on manifeste simultanément son goût, sa capacité de sacrifier de la richesse pour le satisfaire et ses possibilités financières » K. Pomian. Les grandes ventes aux enchères publiques deviennent ainsi des événements mondains. À Londres, avant l’introduction des ventes aux enchères d’œuvres d’art, vers 1670, Samuel Pepys achète directement aux artistes ou à des stationers qui vendent aussi des livres. Le marché du livre est beaucoup plus organisé que celui de l’art, grâce à la Stationers Company. Il n’y a pas de telle communauté de marchands spécialisés dans l’art. Ce sont d’abord les virtuosi, les hommes de lettres londoniens, qui font la popularité des ventes aux enchères, dont ils se servent comme d’une arène des connaisseurs ». Elles touchent ensuite un public beaucoup plus large, les femmes aussi peuvent y assister. Les commissaires-priseurs ne peuvent pas encore se spécialiser dans les marchandises artistiques. La plupart vendent à la fois des livres et des œuvres d’art. 27Ces enchères se déroulent surtout dans des coffeehouses comme Tom’s Coffeehouse ou Barbadoes Coffeehouse. À la mort de Charles II 1685, Londres est ainsi devenue un des marchés de l’art les plus actifs d’Europe. Au cours des ventes de Covent Garden, entre 1669 et 1692, plus de 35 000 peintures à l’huile s’échangent. On a retrouvé, protagonistes de ces échanges, le nom de 20 nobles, 20 marchands et plus de 100 commoners. J. Brotton insiste sur le rôle de la vente des biens de Charles Ier, qui a mis sur le marché des centaines d’œuvres. Contrairement à une opinion largement répandue, Brotton soutient que cette vente n’est pas le seul fait de républicains iconoclastes et ignorants des choses de l’art. Elle a été importante pour la formation du goût anglais puisqu’elle a rendu visibles les trésors des collections de la Couronne. À l’occasion de cet événement, les tableaux royaux ont été transformés en marchandise, détruisant pour toujours leur exclusivité royale, les ôtant au secret du palais royal et les livrant au monde de la vente publique ». 28En Espagne, depuis la fin du xvie siècle, on voit dans les grandes villes des ventes d’art se dérouler près du marché, sur le perron de San Felipe ou Calle Mayor à Madrid, par exemple, ou rue de Santiago à Valladolid. Des lieux ouverts, une absence de toute régulation des transactions on est bien loin des panden de Bruges et d’Anvers. Le marché est nourri par une importation massive des Pays-Bas et l’accroissement du nombre de peintres espagnols travaillant hors du cadre des corporations. Le développement du marché entraîne l’utilisation répétée de mêmes modèles et une certaine standardisation de la production. Il faut dire que le marché américain exige une masse considérable d’images religieuses. Dans la deuxième moitié du xviie siècle, pas moins de 24 000 peintures ont quitté Séville pour l’Amérique. Des contrats exigent une grande rapidité de réalisation. Par exemple, le 26 juillet 1600, le peintre sévillan Miguel Vázquez s’engage à livrer au marchand Gonzalo de Palma 1 000 portraits de figures profanes » de la même taille 63 x 42 cm, à raison de 25 par semaine, payés 4 reales pièce. Miguel Falomir observe que les prix de vente sur les foires et dans les stands de rue sont nettement inférieurs à ceux offerts pour des œuvres commissionnées. Cela n’empêche pas des peintres célèbres de participer aux ventes, comme Bartolomé Carducho, peintre du roi et marchand de tableaux. 3 Felipe de Guevara, Comentarios de pintura [vers 1560], Madrid, 1788, p. 4-5. 4 Relations, Lettres et discours…, Paris, 1660, Lettre IX, p. 235-23. 29Dans un marché de l’art naissant, se pose la question de l’attribution du prix. Quand il suggère à Philippe II d’exposer sa collection, Felipe de Guevara avance que les peintures cachées et tenues hors de la vue sont privées de leur valeur, qui réside dans les yeux des autres et leur appréciation par des connaisseurs3 ». Traditionnellement, le prix d’une peinture était lié à des critères matériels comme les matériaux employés, le nombre, la taille et le costume des personnages. Cependant, depuis la Renaissance, la valeur est de plus en plus attachée à un savoir, devient affaire de connaisseur réputation de l’artiste, authenticité, originalité de la composition, deviennent des critères importants quand il s’agit des maîtres italiens ou nordiques les plus recherchés. À quoi s’ajoute pour les peintures anciennes la vie sociale » du tableau provenance, possesseur antérieur, lieu d’accrochage précédent. Entre 1640-1660, les prix des tableaux anciens augmentent considérablement sur le marché parisien ; certains s’en émeuvent, considérant scandaleux l’argent dépensé en objets de vanité, comme Samuel Sorbière, protestant récemment converti, qui publie une lettre De l’excessive curiosité en belles peintures4 ». Un début de spéculation suscite des réserves morales. Le développement du marché de l’art accompagne une évolution des consciences par rapport à l’argent mais permet aussi une évolution du métier d’artiste. 30Nicolas Poussin 1594-1665 est l’exemple exceptionnel d’un artiste libéré de la commande et vivant du marché de l’art. À partir de 1630, éloigné des grandes commandes publiques, il ne produit plus que des tableaux de chevalet et peut choisir ses clients qui sont des acheteurs, non plus des commanditaires. Le prix de ses tableaux est multiplié par dix au cours du siècle. Il ne dépend pas d’une cour ou d’un protecteur, il n’a pas d’atelier, pas d’élèves. Au-delà des Barberini et de leur réseau, les principaux acheteurs de Poussin sont français. Ils sont d’origine sociale variée on trouve parmi eux, le maréchal de Créqui, le duc de Richelieu ou le roi lui-même, qui réunit une très importante collection de Poussin ; des secrétaires d’État, comme La Vrillière ou Loménie de Brienne ; des titulaires d’offices importants comme Chantelou ; des financiers comme Neyret de la Ravoye ; mais aussi des personnages beaucoup plus obscurs, des négociants comme Pointel ou Serisier. Il s’agit là d’une carrière très particulière, permise par la naissance d’un vrai marché de l’art. Les arts, miroir de leur temps » ? La société est un théâtre, le théâtre, un reflet de la société ? 31On ne saurait trop souligner l’importance de la métaphore théâtrale et en générale de la vision dans les arts et la littérature du xviie siècle. Avec la perspective linéaire comme mode de représentation picturale depuis la Renaissance, Les images s’inscrivent désormais à l’intérieur d’un cube ouvert d’un côté. À l’intérieur de ce cube représentatif, sorte d’univers en réduction, règne les lois de la physique et de l’optique de notre monde » P. Francastel ; d’où l’importance de la métaphore théâtrale All the world’s a stage », l' illusion comique » le théâtre est un monde en réduction, le monde n’est qu’un théâtre. Comment le théâtre du xviie reflète-t-il alors la société ? 32Si l’on tourne le dos à la scène, le lieu théâtral donne, dans la disposition du public, une image particulière des hiérarchies. La structure du théâtre public est partout à peu près la même. Le corral madrilène se partage entre le parterre avec ses places debout ou assises et les loges réservées aux personnages importants ; un lieu spécial est réservé aux femmes du commun et aux ecclésiastiques, ce qui est une particularité espagnole. Dans le théâtre élisabéthain, on a, du moins coûteux au plus cher, les places debout à ciel ouvert, les places assises dans les galeries couvertes et enfin les loges. Entièrement couvert, le théâtre de Bourgogne montre une répartition analogue, avec ses places au parterre à 5 sous et ses places en loges à 10 sous. 33Si, dans le cas des représentations privées chez de nobles particuliers les visites » en France, les particulares » en Espagne le public est socialement homogène, il n’en va pas de même du théâtre public. La composition des salles est assez semblable à Londres et à Paris. Le parterre, debout, est volontiers remuant, même s’il ne faut pas s’exagérer le caractère populaire de ces spectateurs. Alfred Harbage montre qu’il est constitué, au théâtre du Globe, de boutiquiers, d’artisans et de journaliers. La variété de ton et de genres caractéristique du théâtre de Shakespeare, comme de la tragédie espagnole, de la poésie savante à la farce, est destinée à répondre à cette diversité du public. On distingue les connaisseurs des ignorants du parterre, les mosqueteros » en Espagne, les groundlings » en Angleterre. On peut remarquer que la même idée est souvent exprimée deux fois dans les pièces de Shakespeare, sous une forme élaborée d’abord, plus simple ensuite. Dans la comedia, le gracioso » est chargé de répéter en clair ce qui risquait de paraître obscur. Cependant, au cours du siècle, on remarque une diminution globale de la composante populaire du public. Les témoignages contemporains sur le chahut du parterre ne sont pas exempts de préjugés sociaux. En France, le public ne change pas radicalement, mais les poètes, leurs mécènes et les amateurs prêchent pour une épuration du goût comme du public. Il ne faut pas oublier que la défense des règles et, pour le dire d’un mot, du classicisme, est parallèle à une exclusion des éléments populaires. Le classicisme, rappelle J. Truchet, suppose un consensus culturel, l’existence d’un public auquel il soit naturel et légitime de vouloir plaire, les honnêtes gens », la Cour » et la Ville ». L’unité du classicisme se fonde moins sur des préceptes que sur un milieu ». L’exclusion du menu peuple se fait naturellement par l’augmentation du prix des places au cours du siècle. En France comme en Angleterre, la base sociale du théâtre se rétrécit. 34La nécessité de parler à un très large public où domine, de plus en plus, les catégories privilégiées, implique de renvoyer à une morale commune. N’oublions pas que plaire est une nécessité vitale pour le dramaturge du xviie siècle. Souvent, on remarque un certain conservatisme dans la vision de la société véhiculée par le théâtre. Celui-ci enregistre certains changements, comme l’importance croissante du commerce et de l’argent, les transformations de la noblesse ou l’appétit des roturiers enrichis. Le gentilhomme désargenté contraint à la mésalliance, le roturier cherchant une promotion à la cour, le bourgeois gentilhomme, sont quelques thèmes récurrents de la comedia espagnole, dont l’influence est grande en France et en Angleterre ; mais en général, quelque soit l’origine sociale de l’auteur, la morale de la pièce demeure attachée aux valeurs de la noblesse terrienne traditionnelle, défavorable aux fortunes issues du commerce et de la spéculation. Par exemple, dans les pièces de Lope de Vega, le noble enrichi par le négoce est condamné, les marchands, petits ou grands, et les armateurs de Séville peu représentés ou peu mis en valeur. Le théâtre jacobéen, face aux bouleversements sociaux, témoigne d’un attachement à l’ordre ancien A. Bry. Molière montre de manière très négative ces femmes qui sortent de leur condition, ces précieuses qui se prévalent d’un rôle intellectuel dans ce qui deviendra les salons. Le monde comme théâtre est d’abord une métaphore de la vanité des biens de ce monde. Il s’agit moins de représenter que de moraliser. Calderón de la Barca l’exprime parfaitement dans Le Grand Théâtre du Monde 1645. On y voit le Monde remettre à chaque acteur, du Roi au Mendiant, les insignes de son rang. Les personnages entrent sur scène par le Berceau et en sortent par la Tombe. Là, ils doivent remettre leurs attributs et rendre compte de la façon dont ils ont tenu leur rôle. Seuls le Mendiant et la Prudence ont échappé à l’orgueil et aux intrigues de la cour. Seuls, ils ont compris la leçon de la pièce, c’est-à-dire de la vie. Seuls, ils ne seront pas damnés. Quand le rideau tombe, ne demeurent en scène que les quatre dernières choses » la Mort, le Jugement, le Ciel et l’Enfer. 35Si le siècle est fasciné par les pouvoirs de l’illusion, la concorde entre l’être et le paraître est un souci constant. Les marques de luxe doivent correspondre à un statut social réel. L’ouvrage de Pierre Le Muet, La Manière de bâtir pour toutes sortes de personnes 1623, est un des plus importants de ces recueils, en vogue en France, qui proposent des modèles d’habitation selon le rang du propriétaire. L’architecture doit refléter la hiérarchie sociale. On peut dire que Fouquet, par exemple, n’a pas respecté cette règle, Vaux outrepasse son rang. L’étude du portrait permet de mieux comprendre ce rapport être/paraître. Elle permet aussi de mieux comprendre sous quelles conditions les catégories sociales les moins privilégiées ont droit à être représentés. Qui a droit à la représentation ? 36Le problème de la dignité du sujet représenté se pose particulièrement dans le portrait. Ce dernier genre connaît depuis le xvie siècle un grand développement. Il constitue à la fin du siècle 20 % des images des intérieurs de Delft, par exemple. Or, Edouard Pommier a relevé, dans la deuxième moitié du xvie siècle, un mouvement de remise en cause de ce genre, notamment d’un point de vue social. Alors qu’il cesse d’être réservé à la représentation des saints et des princes, le portrait suscite la question de la légitimité de la représentation d’un individu. 5 Cité par Pommier Édouard, Théories du portrait, Paris, 1998, p. 128. 37Dans une lettre à Leone Leoni, sculpteur et médailleur, l’Arétin le met en garde ainsi Faites donc les portraits de personnages de ce genre [l’érudit Francesco Molza, mort depuis peu], mais ne faites pas les portraits de ceux qui à peine se connaissent eux-mêmes et que personne ne connaît. Le ciseau ne doit pas tracer les traits d’une tête, avant que la renommée ne l’ait fait. Il ne faut pas croire que les lois des Anciens aient permis qu’on fasse des médailles de personnes qui n’étaient pas dignes. C’est ta honte, ô siècle, de tolérer que des tailleurs et des bouchers apparaissent vivants en peinture5. » Cette idée d’une vulgarisation du portrait se retrouve dans nombre d’écrits du xvie siècle. On ne devrait représenter que les exempla virtutis, ou les grands de ce monde, parce que seuls ils ont droit à la mémoire publique. 6 de Piles R., Cours de peinture par principes, Paris, éd. J. Thuillier, 1989, p. 132. 7 Sorel Charles, La Description de l’île de Portraiture et de la ville des portraits, Paris, 1659, p ... 38De la dignité du sujet dépend son traitement, qui oscille entre l’imitare, qui a le sens de donner l’image de quelque chose, avec une certaine liberté et le ritrarre donner une copie littérale de quelque chose. Pour le théoricien Roger de Piles, la stricte fidélité aux traits du modèle n’est requise que pour les grands de ce monde Pour les héros et pour ceux qui tiennent quelque rang dans le monde, ou qui se font distinguer par leurs dignités, par leurs vertus ou par leurs grandes qualités, on ne saurait apporter trop d’exactitude dans l’imitation de leur visage, soit que les parties s’y rencontrent belles, ou bien qu’elles y soient défectueuses » car ces sortes de portraits sont des marques authentiques qui doivent être consacrées à la postérité, et dans cette vue tout est précieux dans les portraits, si tout y est fidèle6. » Cette nécessité de rendre fidèlement le modèle vertueux, l’être de haut rang s’explique par les spéculations physiognomoniques, très en vogue au xviie siècle. En fait, la pratique conduit souvent à l’inverse il faut donner au personnage les traits convenant à sa fonction et à sa dignité. Il faut que le paraître corresponde à l’être social, il faut donner à chaque personnage l’attitude, les vêtements, les attributs de sa “qualité”, c’est-à-dire sa position dans la société » E. Pommier. Déjà Léonard de Vinci préconisait que le roi soit barbu, plein de gravité dans l’air et les vêtements […]. Les gens de basse condition doivent être mal parés, en désordre et méprisables […] avec des gestes vulgaires et tapageurs ». Dans sa Description de l’île de portraiture 1659 Charles Sorel se moque lui aussi du succès du portrait, de ces modèles qui veulent apparaître dans des vêtements très magnifiques, et la plupart ne se souci[ant] point s’ils étaient conformes à leur naturel et à leur condition7 ». Analysant le Portrait d’Omer II Talon Washington, National Gallery peint en 1649 par Philippe de Champaigne, Lorenzo Pericolo remarque qu’en tant qu' avocat général au parlement de Paris, le modèle usurpe » en quelque sorte une posture et un décor typique d’un roi ou d’un aristocrate ». 8 Pour reprendre le titre de l’ouvrage de G. Sadoul, Jacques Callot miroir de son temps, Paris, 19 ... 39E. Pommier montre au long de son livre combien il est difficile d’apprécier le réalisme » d’un portrait. L’art, comme le langage, est d’abord un système de signes qui demandent interprétation. Il faut donc se méfier de la tentation de voir dans les romans, les gravures ou les peintures un miroir de leur temps8 ». Ils correspondent aux attentes de la clientèle. Le cas des portraits de paysans des Le Nain est intéressant parce que nous voyons des paysans représentés avec une grande fidélité apparente des traits, et en même temps une grande dignité. Dans la peinture hollandaise, on trouve souvent des intérieurs paysans, comme celui peint par Adriaen Van Ostade vers 1635 Munich, Bayerische Staatsgemäldesammlungen. On y voit des hommes et des femmes boire et fumer. Mais les physionomies sont viles, bouffonnes, tout à fait conformes aux préceptes de Léonard. Les acheteurs d’une telle toile ne sont évidemment pas du même milieu et peuvent ainsi apprécier la distance qui les sépare de ces comportements. Une mise en garde contre les débordements des sens n’est pas absente. En effet, dans un milieu modeste, les passions sont censées s’exprimer plus librement, en tout cas leur représentation ne requiert pas les mêmes contraintes. Adriaen Brouwer, par exemple, illustre les émotions humaines à travers ses portraits populaires. 9 Antoine 1588 ?-1648, Louis 1593 ?-1648 et Mathieu 1607-1677. Ils ont un atelier commun et si ... 10 Champfleury, Essai sur la vie et l’œuvre des Le Nain, Paris, 1850, p. 38. 40A priori rien de tel dans le Repas de paysans 1642, Paris, Louvre ou la Famille de paysans v. 1645-1648, Paris, Louvre des frères Le Nain9. C’est le réalisme » de la scène qui frappe. Pour Champfleury, qui est à l’origine de la redécouverte de ces peintres, ce sont des historiens » qui apprennent plus sur les mœurs de leur temps […] que bien des gros livres10 ». Une critique marxiste s’est emparé de ces peintres populaires », mais il a vite été montré que les trois frères ont fait partie des membres fondateurs de l’Académie et que Mathieu, qui a vécu plus longtemps, a pu faire une assez belle fortune et a cherché, après l’achat d’une terre près de Laon, à se faire appeler seigneur de la Jumelle. Fait exceptionnel pour un peintre, il a été fait chevalier du Saint-Michel pour ses services dans la milice de Paris, mais il n’a pu faire preuve de sa noblesse. Pourtant, il a été vite remarqué que les paysans représentés étaient bien habillés, possédaient des verres, etc. Beaucoup d’historiens ont continué à vouloir y voir des documents transparents, des fenêtres ouvertes sur le monde paysan des environs de Laon au xviie siècle. Ansi, Neil McGregor voit dans les paysans des Le Nain l’illustration d’un développement historique ». Pour lui, les acheteurs de ces tableaux sont des membres de la bourgeoisie qui achètent alors des terres autour de leurs villes natales et les mettent en valeur eux-mêmes ou les confie à un fermier. Ils auraient plaisir à avoir des portraits de leurs paysans, envers lesquels ils seraient animés d’une bienveillance patriarcale. La dignité des attitudes et la noblesse des traits des personnages nous éloignent du dédain et du rire de Van Ostade. Toutefois, il est difficile de croire à un témoignage naturaliste sur la condition paysanne. Pierre Goubert et Joël Cornette, après d’autres, ont remarqué les échos eucharistiques du Repas de paysans, qui représente sans doute une visite de charité, telles qu’elles étaient organisées vers 1640 par des institutions comme la compagnie du Saint-Sacrement. On peut alors songer à certains bodegones de Vélasquez, même s’ils ne procèdent pas de la même filiation picturale. Ce genre né à Séville et à Tolède, qui mêle la nature morte et la scène de genre est un des rares genres profanes de la peinture espagnole. On y voit des gens du peuple se livrer à des activités très quotidiennes notamment autour de la préparation et de la consommation du repas. Pourtant, il n’est pas si profane que cela. La méditation religieuse est quelquefois explicite comme dans Le Christ chez Marthe et Marie 1618, Londres, National Gallery, où l’on voit une jeune femme cuisiner, tandis qu’une vieille femme semble lui montrer une image au statut assez compliqué est-ce une scène vue à travers une fenêtre, est-ce un tableau ? représentant la scène évangélique qui donne son nom au tableau. L’interprétation complète est difficile, mais il s’agit sans doute d’une méditation sur la vie active et la vie contemplative, à laquelle se joint peut-être la remarque de Thérèse d’Avila, selon laquelle le chemin du Christ passe par les ustensiles de cuisine… Le portrait d’hommes et de femmes humbles convient particulièrement aux vertus évangéliques de pauvreté et de simplicité. 41Cela n’enlève rien au caractère très convaincant de la représentation, mais le peintre, qui construit savamment ces scènes dans son atelier, ne cherche pas à faire un reportage sur une famille paysanne. Il cherche certainement la vraisemblance, mais ce respect du réel est empreint d’une religiosité profonde, et conditionné par la plus ou moins subtile méditation qu’il veut offrir à l’amateur. Les stéréotypes sociaux dans la littérature espagnole du Siècle d’or 11 Fernández Alvarez M., La Sociedad española en el Siglo de Oro, Madrid, 1983. 42La littérature du Siècle d’or espagnol reflète, souvent avec des caractères sombres, toute une série de stéréotypes sociaux. L’échantillon le plus complet d’un monde où pullulent les déshérités mendiants et pauvres honteux, soldats en guenilles, étudiants dissolus, hidalgos de haute lignée à la maigre fortune, prostituées… et dans lequel se distingue la figure du picaro, personnage qui donna lieu à l’un des genres littéraires les plus en vogue dans l’Espagne du xviie siècle11. L’intention satirique des auteurs de ce genre les conduisit à confronter la vie du picaro à celle des puissants maîtres qu’ils servaient seigneurs et ecclésiastiques de toutes conditions principalement dont les défauts et l’hypocrisie sont mis en relief par ces antihéros. Le picaro devient ainsi le personnage antagonique du chevalier vertueux et honorable que le roman de chevalerie avait consacré. Personnage de basse extraction sociale, abandonné par la fortune, et qui survit dans le monde de la pègre grâce à son habileté dans la tromperie et l’escroquerie. Etranger à tout code de conduite honorable, il atteint ses objectifs grâce à sa ruse mais sans recourir à la violence. Il aspire par-dessus tout à améliorer sa condition sociale, bien qu’il échoue constamment dans ses tentatives, reflétant ainsi l’imperméabilité sociale qui caractérisa l’Espagne du moment. 12 Maravall J. A., La literatura picaresca desde la historia social, Madrid, 1986. 43Bien que la figure du picaro soit déjà présente avec la plupart des traits qui le définissent dans le Lazarillo de Tormes 1554, son plus haut niveau littéraire est obtenu par Mateo Alemán avec son Guzmán de Alfarache 1599. Au xviie siècle, Quévédo consacre cette figure satirique dans sa Vida del Buscón llamado don Pablos 1603 ?, et il existe toute une pléiade de romans durant la première moitié du xviie siècle avec une perspective burlesque de même nature, dans lesquels on voit défiler des personnages, masculins et féminins, qui répondent à ces caractéristiques, comme El Guitón Onofre Gregorio González, 1604, La pícara Justina Francisco López de Ubeda, 1605, La Ingeniosa Elena, fille supposée de La Célestine Alonso Jerónimo de Salas Barbadillo, 1612 et 1614, le Lazarillo del Manzanares Juan Cortés de Tolosa, 1620, Gregorio Guadaña Antonio Enríquez Gómez, 1644 ou Estebanillo González Gabriel de Vega, 1646. Quelques autres personnages de romans qui ne cadrent pas complètement avec ce genre littéraire partagent également nombre de ses caractéristiques, comme en témoignent Rinconete y Cortadillo de Cervantès 1613, ou El Diablo Cojuelo de Luís Vélez de Guevara 1641. Si le picaro est un personnage qui s’épanouit principalement en milieu urbain, le chevalier le fait en milieu rural ; c’est ainsi que le représente Alonso Jerónimo Salas Barbadillo dans son Caballero perfecto 1620 et dans son antithèse El Caballero puntual 161612. 13 Maravall J. A., Teatro y literatura en la Sociedad Barroca, Barcelona, 1990. 44Face au caractère satirique et critique du roman picaresque, le théâtre, d’après Maravall, tenta de maintenir en vigueur un système de pouvoir préétabli et, par conséquent, la stratification et la hiérarchie des groupes sociaux13. À travers le théâtre de Lope de Vega, Calderón de la Barca, ou de Tirso de Molina, les espagnols assumèrent un système de conventions » qui soutenait un ordre social dans lequel les autorités politique et religieuse Roi et Inquisition garantissaient sa validité. Ainsi, dans une époque de crise, comme celle que connut l’Espagne au cours du xviie siècle, le théâtre fut l’un des piliers sur lesquels reposa la campagne de renforcement de la société seigneuriale. Les conflits sociaux seront la thématique fondamentale des pièces de théâtre, le désir d’ascension sociale étant présenté de façon récurrente, bien que les personnages vertueux coïncident toujours avec ceux qui acceptent de bonne grâce leur statut. Le théâtre privilégia une série de valeurs traditionnelles comme l’honneur, la pureté de sang, la foi, la richesse – spécialement celle du laboureur – l’amour pur… en faisant ressortir également la différenciation bipolaire de la société entre riches et pauvres, nobles et vilains, seigneurs et serviteurs, oisifs et travailleurs, et parvenant à identifier richesse avec noblesse. L’arbitrisme 14 NDT Le substantif arbitrismo » n’est pas inclus dans le Diccionario de la Real Academia. Seuls ... 15 Vilar J., Literatura y Economía. La figura satírica del arbitrista en el Siglo de Oro, Madrid, 197 ... 45En Espagne, la société fut également l’objet d’une réflexion par un courant de pensée que l’on nomme l’arbitrismo » l’arbitrisme14. Est considéré arbitrista » l’individu qui propose des plans et des projets arbitrios, insensés ou réalisables, pour soulager les Finances Publiques ou remédier à des maux politiques. Le caractère majoritairement péjoratif du terme est issu de son origine littéraire, car c’est dans ce sens que Cervantès l’utilise pour la première fois dans son Coloquio de los perros 1613. Quévédo s’exprima également avec une férocité particulière dans son ouvrage La hora de todos o la fortuna con seso 163515. 16 NDT terme employé ici pour déclin ou décadence. 17 García Cárcel R., Las culturas del Siglo de Oro, Madrid, 1998. 46Dans l’historiographie actuelle, on entend par arbitrismo » ce courant de pensée politique et économique qui, émergeant au temps de Philippe II, trouve son groupe le plus fourni de représentants dans la Castille des deux premiers tiers du xviie siècle. La majeure partie de ces érudits se virent encouragés à adresser leurs arbitrios » solutions aux principales autorités, y compris au Roi, par leur profonde conviction de la décadence du Royaume, dont la cause, selon eux, résidait dans un ou plusieurs problèmes sociaux, économiques et financiers qui caractérisèrent l’Espagne du Siècle d’or. Parmi ceux-ci on distingue l’augmentation des prix fruit de l’abondance d’or et d’argent en provenance d’Amérique, la diminution corrélative de la compétitivité des produits espagnols et l’introduction correspondante de marchandises étrangères qui provoquaient la ruine de l’industrie nationale, la décadence du commerce et l’abandon de l’agriculture et de l’élevage. Les arbitristas » dénoncèrent également l’appauvrissement progressif de l’État, dont la dépense publique croissante découlant de l’entretien d’une armée pléthorique, dispersée sur un vaste territoire était compensée par l’augmentation des impôts, gangrène financière dont le reflet n’est autre que la ruine de la nation et le dépeuplement. Tout cela, d’après de nombreux arbitristas », provoquait l’abandon des activités de production et d’investissement de la part des Espagnols, tandis que les étrangers devenaient les maîtres des ressorts économiques du pays. De la même façon, ils imputaient à l’excessive circulation monétaire le goût du luxe et de l’oisiveté dans les classes possédantes, et la négligence qui s’ensuivait pour les activités productives. La conséquence de tout cela fut la declinación16 » de la Nation, terme qui résumait parfaitement leur impression de vivre un moment de crise économique et sociale17. 47Bien que les termes arbitrio » et arbitrista » aient été employés dans la littérature du Siècle d’or dans un sens clairement péjoratif, les avis de ces individus étant jugés insensés, il est certain que parmi ceux qui émirent leur opinion, il y eut de nombreux personnages lucides, intelligents et des professionnels de toutes sortes d’activités, qui surent observer avec acuité les problèmes économiques et sociaux de l’Espagne d’alors et prévoir des solutions. Parmi les plus importantes figures de cette école de pensée il y eut le comptable du Trésor Luis Ortiz, auteur du Memorial al Rey para que no salgan dineros de España 1558 ; l’avocat de la Chancellerie Royale de Valladolid, Martín González de Cellorigo, continuateur de ce que l’on appela l’Ecole de Salamanque » et auteur du Memorial de la política necesaria y útil restauración a la república de España 1600 ; le médecin Cristóbal Pérez de Herrera, rédacteur d’un mémoire dans lequel étaient abordées… de nombreuses choses touchant au bien, à la propriété, à la richesse, à la futilité de ce royaume et au rétablissement des gens » 1610 ; le professeur en Écritures Sacrées, Sancho de Moncada, dont les Discursos 1619 seraient réédités en 1746 sous le titre Restauración política de España ; le chanoine et consultant du Saint-Office, Pedro Fernández de Navarrete, qui écrivit le livre intitulé Conservación de Monarquías 1626 ; Miguel Caxa de Leruela, du Conseil de Castille et Visiteur Général du Royaume de Naples, dont l’œuvre la plus connue s’intitulait Restauración de la abundancia de España 1631 ; ou le procurateur des galériens Francisco Martínez de Mata, auteur de célèbres Memoriales et Discursos 1650-1660.
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Le 24 mai dans les locaux au Quai à Périgueux, s'est tenue une conférence débat autour du thème "Revenu universel utopie ou futur proche?" Erwan Dubarry-Baete, membre de la nouvelle équipe reconstituée depuis mars 2016, a présenté l'association créée en 1996 et soucieuse de faire de l'éducation populaire en organisant des débats, des expositions et autres manifestations culturelles. Le sujet abordé ce soir-là concernait le revenu de base, une idée de plus en plus médiatisée en France. La question est importante à l'heure où de nombreux mouvements sociaux agitent la France où, par ailleurs, la révolution numérique est en cours. En effet, le temps libéré par les ordinateurs et les robots diminue le besoin de main d'oeuvre et rend l'humain plus disponible. Cette évolution pose des questions sur le partage du temps de travail et des richesses. Face à cela, des réponses existent comme le revenu de base présenté ce soir-là par Arthur Mignon du Mouvement Français pour un Revenu de Base MFRB et le salaire à vie, thème du film d'Usul, commenté par Nadja Martinez, présidente du Quai. de gauche à droite Nadja Martinez, Erwan Dubarry Baete, Arthur Mignon Arthur Mignon a souligné le caractère exceptionnel d'un débat de ce type où les deux réponses étaient confrontées. Ayant rejoint le Mouvement en 2015, il a repris le groupe local de Périgueux. Pour introduire son propos, il a lu la présentation d'une pièce jouée le 3 mai dernier, au Palace à Périgueux, Relaps, dont nous avons rencontré le metteur en scène il y a quelques mois Evoquant la génération Y, elle met en scène des personnages "nés dans les années 80 et élevés avec la garantie que leur vie serait meilleure que celle de leurs parents, ils n'ont pas d'accès au travail, ou de façon précaire. Au fait, en veulent-ils vraiment un?". Membre de cette génération, Arthur Mignon a expérimenté les affres de "l'assistance sociale" où il s'agit avant tout de mettre les usagers sur le chemin de l'emploi, considérant qu'il est leur unique besoin, négligeant des besoins aussi importants que la culture, par exemple. Se référant à Thomas More qui décrivait déjà au XVIè siècle comment le pouvoir canalisait le peuple en lui évitant d'accéder à l'argent et à la liberté, il a montré que le revenu de base permettait de remettre en cause les rapports de domination en jeu où le peuple était contraint de vendre sa force de travail et où les banques étaient toutes-puissantes. Poursuivant ses références historiques, il a cité Thomas Paine, un révolutionnaire anglo-américain, élu député à l'Assemblée Nationale en 1792 qui souhaitait contribuer à la démocratie effective alors que c'est la démocratie représentative de l'Abbé Sieyès que l'Histoire a retenue. image extraite de Pour Thomas Paine, auteur de La justice agraire 1795, il n'y avait de démocratie que si les citoyens étaient économiquement libres et disposaient donc de revenus. En cela, il était proche des idées des physiocrates la richesse provenait de la terre et quand on en disposait pas, il était nécessaire de bénéficier d'une indemnisation qui assurait sa subsistance et permettait de rétablir l'égalité de moyens entre les possédants de la terre et les autres. Ces idées novatrices de la période révolutionnaire ont été reprises au XXè siècle mais parfois détournées. L'économiste libéral, Milton Friedman, a proposé un crédit d'impôts tandis que Paine parlait d'une dotation versée à la majorité. L'idée de revenu de base a vraiment pris de l'ampleur dans les années 1970-80. Au Canada, elle a été expérimentée dans une ville pendant plus de 10 ans. Dans les années 1980, l'économètre Yoland Bresson a lancé avec Henri Guitton l'Association pour l'Instauration du Revenu d'Existence AIRE. C'est Marc de Basquiat qui a pris la présidence à sa mort en 2014. En 2013, c'est Gaspard Koenig qui a fondé le think-tank GénérationLibre et publié Liber, un revenu de liberté pour tous Ce sont des auteurs libéraux qui ont mauvaise presse chez les progressistes, a expliqué Arthur Mignon, mais c'est la vision la plus connue du revenu de base. Au sein du MFRB, créé le 3 mars 2013, dans le contexte de l'initiative citoyenne européenne pour le revenu de base, il existe un large spectre de propositions. Ainsi, Baptiste Mylondo, écologiste, qui a beaucoup échangé avec Bernard Friot, défenseur du salaire à vie, estime que si l'on se base sur le PIB, le revenu disponible par habitant serait de plus de 1000 euros par mois pour un partage strictement égalitaire, soit plus du double de la proposition de GénérationLibre. Tandis que le premier estime que l'impôt sur le revenu peut être financé dès le 1er euro gagné, le second souhaite la conservation d'un modèle progressif où les plus pauvres ne seront pas taxés et préconise l'instauration d'une dernière tranche d'impôt sur le revenu à 100%. Selon Baptiste Mylondo, le revenu de base tel qu'il l'envisage remet en cause le chômage comme une institution artificielle qui maintient la population dans la peur du lendemain. Elle est compatible avec la capitalisme mais en ébranle tous les fondements. Quant à André Gorz, présenté par Arthur Mignon comme un philosophe éco-socialiste, il était favorable au partage du temps de travail une libre répartition du nombre d'heures affectées pour la vie active. Puis, il s'est rangé du côté d'un revenu de base inconditionnel sans contrepartie en constatant que raisonner par nombre d'heures de travail n'avait plus de sens dans un contexte post-fordiste. Il était une remise en cause des fondements du capitalisme mais pas de la monnaie dont les Etats n'avaient plus le monopole de création. Les banques commerciales la créaient grâce au crédit constitué de 3 parties l'emprunt lui-même, les intérêts, qui servent surtout à enrichir les banquiers mais aussi à produire des pièces et billets, et les assurances sur le crédit pour se prémunir des défauts de paiement et protéger les profits. Le système perdurait du fait de l'existence du crédit. Ces notions ont été développées par Gérard Foucher dans Les secrets de la monnaie et qui a donné une conférence gesticulée à Périgueux en 2014. Il propose de remplacer la monnaie dette par une monnaie libre de dette la monnaie à dividende universel. Quant à Stéphane Laborde, il développe la Théorie relative de la monnaie. Il pense qu'il ne faut pas confier le monopole de la création monétaire aux banques mais aux individus sous forme d'un revenu de base. La monnaie serait créée avec ce revenu. Plus la masse monétaire est importante, plus le montant du revenu de base versé régulièrement à chaque partie prenante du système est élevé. L'unité de compte est le revenu de base lui-même. Quant à l'association Positive Money, elle lutte contre le programme d'assouplissement quantitatif Quantitative Easing lancé par la Banque Centrale Européenne et milite en faveur d'une politique alternative la BCE financerait des investissements publics ou distribuerait de l'argent à tous les citoyens sous forme d'un revenu de base. Pour Arthur Migon, alors que dans le système actuel, on définit qui a droit à l'argent redistribué, avec les monnaies libres à dividende universel, tout le monde a droit à l'argent de façon inconditionnelle. Donner ce revenu aussi aux riches casserait le rapport de domination que l'argent entretient, un de ses rôles fondamentaux au-delà de couvrir un besoin. Pour l'intervenant, instaurer un système de gratuité où il n'existe plus de fraudeur ni de voleur est une manière d'abattre la société de classe. Nadja Martinez a ensuite commenté le film. Le salaire à vie est l'une des options possibles pour changer le système. Il n'est pas question de le mettre en opposition avec le revenu de base, d'autant que tous deux ont les mêmes ambitions se libérer du marché de l'emploi, déconnecter la population de son aliénation à la surproduction marchande en tant que producteur et consommateur, permettre de faire des choses qui paraissent utiles, décider de ce que l'on produit, comment et pourquoi. Selon elle, le salaire à vie va plus loin dans son rapport au capital et semble plus long à mettre en place que le revenu de base, parce que celui-ci pose simplement la question du partage des richesses. Le Quai s'est intéressé à cette question car il renvoie à la situation des artistes qui bénéficient en France du régime de l'intermittence. Celui-ci reconnaît un temps de création qui doit être rémunéré sans que cela génère immédiatement une production. En son absence, la création risque d'être l'apanage d'un groupe de rentiers loin de la contre-culture et peu enclin à soulever des questions qui traversent une société de classe. La présidente du Quai a ensuite choisi de préciser des termes abordés dans le film, comme celui de la valeur ajoutée qui est produite par les forces de travail et représente le chiffre d'affaire d'une entreprise, ses consommations intermédiaires déduites. Le capital est rémunéré sous forme de dividendes et d'intérêts d'emprunts qui représentent 700 milliards pour 2000 milliards produits, le reste étant redistribué en salaires et cotisations. En mettant fin à la propriété lucrative, on met fin à cette ponction et le travail est envisagé comme une activité et non comme un emploi qui enlève le statut de producteur quand on n'en a plus. Dans le salaire à vie, le travail englobe toutes les activités humaines comme productrices de valeur d'usage. La cotisation est préférable à l'impôt car celui-ci est ponctionné sur les revenus une fois distribués distribution secondaire tandis que le premier l'est par distribution primaire. L'impôt implique de reconnaître la propriété privée lucrative. Les cotisations étant prélevées sur la valeur ajoutée, elles ne sont pas une dépense, idée véhiculée par les médias dominants, mais une redistribution, d'autant plus si l'on reconnaît la valeur d'usage et la production non marchande dans la valeur économique. La propriété lucrative ayant disparue, les travailleurs deviennent propriétaires de leurs moyens de production. Réseau salariat est une association d'éducation populaire visant l'institution d'un statut politique du producteur, donnant droit à un salaire à vie attaché à la qualification personnelle qui donne donc un salaire différent. Suite à cette intervention, le débat était lancé avec la salle. Une question a été posée sur la position des gouvernements concernant ces sujets. En Suisse, une votation a eu lieu le 5 juin pour inscrire ou non le revenu inconditionnel et universel dans la Constitution et instaurer ensuite une loi mais elle a rejeté le projet. En France, le Premier ministre, après avoir parlé de revenu de base ciblé, a évoqué un revenu universel. Le MFRB a quelques défenseurs parmi les députés de gauche comme de droite qui ont fait des propositions de loi ou amendements mais pour l'instant sans suite. On peut citer Frédéric Lefebvre des Républicains, Delphine Batho, Isabelle Attard, proche de José Bové. La stratégie du MFRB se situe aussi à l'échelle régionale et locale. EELV a lancé une étude de faisabilité pour automatiser le RSA sans que l'usager n'ait de démarches à faire. C'est un premier pas vers l'instauration de ce revenu. Logo du Mouvement Français pour le Revenu de Base Un bibliothécaire fonctionnaire a témoigné de sa situation ayant vu sa bibliothèque fermée, et privé de tâche, il est devenu malade de ne pas travailler. Il constatait qu'il était plus actif en arrêt maladie qu'au travail. A l'inverse, une travailleuse sociale a déclaré être "en suractivité" et s'est dit intéressée par ce revenu qui lui permettrait d'envisager son travail différemment, notamment en l'orientant vers un accompagnement plus humain, moins axé sur l'évaluation des situations de personnes susceptibles de rentrer ou non dans des dispositifs. Une fois le revenu de base acquis, on en ferait que l'on voudrait car il serait neutre non assorti d'obligations. Une autre membre du public se présentant comme "en marge du marché de l'emploi" a insisté sur l'importance de ce revenu qui permettait de favoriser le développement personnel, dont étaient soucieux un nombre croissant d'individus, a constaté Erwan Dubarry Baete. Le débat a ensuite porté sur le salaire à vie différent en fonction du grade, sachant que le 1er grade commencerait à 1500 euros. L'idée développée par Bernard Friot lui aurait été inspirée par sa propre situation de fonctionnaire universitaire. Bernard Friot Nadja Martinez a expliqué que l'évolution de ces grades et les rémunérations afférentes seraient décidées démocratiquement. Une personne a considéré que le revenu de base laissait la possibilité de prendre un travail ou pas et permettait de renouer avec une certaine liberté telle qu'elle existait dans les années 70, évoquée par une autre personne. Arthur Mignon est revenu sur les deux modes de financement du revenu de base les prélèvements obligatoires comme les impôts et la réforme de la création monétaire qui ne serait plus le privilège des banques formant actuellement une sorte d'"Etat financier". La création de la monnaie se ferait en dividende universel. L'Association pour l'économie distributive plaidait dans ce sens. Erwan Dubarry Baete, se voulant rassembleur sur les deux propositions du salaire à vie et du revenu de base en montrant qu'elles permettaient toutes les deux de pouvoir subvenir à ses besoins, s'est demandé, malgré tout, si le revenu de base n'était pas la roue de secours du capitalisme. En effet, pour le Medef, le revenu de base permettrait de diminuer le salaire minimum. Par ailleurs, croire que l'on retrouverait le plein-emploi était une hérésie. Les questions de l'activité et de l'emploi ont été ensuite distinguées, la situation de chômage n'empêchant pas d'être actif dans la société, par exemple. Une personne a ainsi déclaré qu'elle n'avait "pas envie de travailler mais de contribuer". Plusieurs intervenants ont semblé d'accord pour affirmer la nécessité de se libérer du capitalisme, de sortir de l'esclavage. Un homme s'est toutefois montré pessimiste en faisant allusion à la loi El Khomry qui risquait de détruire la sécurité au travail et ne voyait pas comment le revenu de base pourrait advenir dans la société telle qu'elle fonctionnait. Puis, le débat s'est réorienté sur la question de la monnaie qui aurait pu faire l'objet d'une soirée entière de discussions. Elle était éminemment politique, supposait une refonte de la société. Pour Arthur Mignon, instaurer la gratuité de l'argent était une manière de saper les bases culturelles de la société et de détruire le clivage entre les sans-emplois et ceux qui y avaient accès. La remise en cause du capitalisme était plus longue. Une jeune femme impliquée dans une association où se côtoyaient salariés et bénévoles a montré combien, au regard des missions de cette structure, ce qui importait était la conviction de chacun, pas le statut. Le revenu de base permettrait d'être libéré de ce rapport au salariat et de se concentrer sur le sens du travail lui-même. Arthur Mignon a conclu la soirée par quelques citations à méditer et Nadja Martinez a rappelé le souci du Quai d'oeuvrer à l'éducation populaire et d'accéder gratuitement à la culture. Cette soirée-débat en était un exemple. Texte et photos sauf copyright contraire Laura Sansot
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mode de vie des artistes en marge de la société